Le CDG30 présente la captation audio de la conférence de Monsieur Samuel CREVEL donnée le 4 octobre 2013 à à l’auditorium du Conseil Général du Gard à Nîmes.
► Le conférencier
Monsieur Samuel CREVEL, Conseiller référendaire à la Cour de cassation, enseignant à l’université de Paris I, animait en octobre 2013 une conférence sur le harcèlement au travail à l’invitation de madame Reine Bouvier, Présidente du CDG30 à l’auditorium du Conseil Général du Gard. (Aujourd'hui Conseil départemental du Gard).
► La conférence
Sujet vaste, couvrant un champ juridique et social émergeant même si le décret du 10 juin 1985 en son article 39 parle de la santé physique et mentale des agents. Force est de constater que la question de la santé physique a été régulièrement traité mais pas celle de la santé mentale qui émerge avec force : burn-out, dépression, harcèlement,…avec un risque de voir les risques psychosociaux se développer de façon outrancière par un effet de mode, ou une méconnaissance des règles de base. Il est nécessaire d’apprécier avec sagesse ce phénomène tout en sachant que la question du harcèlement au travail se développe sur le plan juridique au point que la Cour de cassation, en dernière instance, a produit 280 arrêts en 2012. Les risques psychosociaux, ou la question du harcèlement, ne relèvent pas exclusivement du droit pénal mais se trouvent traités dans le droit du travail et dans celui de la sécurité sociale notamment sur l’imputation du mal-être, des affections professionnelles, des troubles psychologiques liés au travail, des risques psychosociaux.
L’article 222-33-2 du Code pénal traite de l’infraction en soulignant la nécessaire répétition des agissements d’un supérieur ou d’un collègue de travail, voire dans certains cas rares d’un subordonné à l’égard de sa hiérarchie : sanctions disciplinaires déguisées ou non, changement de tâche, mutation forcée, ordres vexatoires, insultes, isolement,….. Tout ce que le juge pourra considérer comme « objectivement pas supportable », se forgeant ainsi une grille de lecture afin de trier entre les appréciations différentes d’un salarié, d’un employeur sur la même situation. Même si dans un premier temps le juge considérait qu’il fallait une infraction intentionnelle le champ a été élargi à la « maladresse managériale » par un arrêt du 30 janvier 2007. Le harcèlement sexuel figurant à l’article 222-33 du Code pénal connaissant moins de difficultés d’interprétation et restant, sur le plan statistique, plus marginal (10% des infractions de harcèlement).
La jurisprudence avance dans ce nouveau champ de l’actualité juridique en jugeant les attitudes positives (acte commis) ou négatives (refus de prendre en considération un problème), que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’un subordonné, et, aujourd’hui, la théorie de la complicité consacrée par un arrêt 13 mars 2012 condamnant un employeur qui ayant connaissance d’un acte de harcèlement est resté passif, ce qui existe pour les risques psychosociaux ou l’employeur peut être condamné lorsqu’il n’a pas remis de l’ordre dans l’organisation du travail après des violences ou voies de fait.
À côté du droit pénal, le Code du Travail (article 1152-1) la loi portant statut général de la fonction publique précisent le traitement social, les aspects disciplinaires, le régime indemnitaire du au personnel harcelé, tout en assurant l’impunité pour les témoins et la victime d’actes de harcèlement (sauf évidemment en cas de dénonciation calomnieuse) : stress excessif de la part du pouvoir hiérarchique, licenciement ou révocation illégitimes si le moyen en a été le harcèlement tout comme pour une démission forcée, sanctions disciplinaires vis à vis du salarié harceleur. Sachant que la preuve est libre : témoignage de collègues, troubles médicaux, déclaration du pleignant.
L’indemnisation possible est celle connue pour les risques physiques dès lors que les troubles mentaux sont rattachables au service, et un arrêt (21/12/2012) le confirme pour une cause de suicide.
Comme pour l’ensemble des infractions la collectivité doit la protection fonctionnelle aux agents concernés ce que confirme un arrêt du Conseil d’État du 8 mars 2010, le harcèlement est une agression comme les autres et ouvre droit à la protection fonctionnelle. Son refus peut être condamné, mais aussi la prise en charge des deux parties opposées ; dans ce cas il faudra choisir selon la vraisemblance des faits et faire que l’autorité territoriale ne prenne pas le risque d’une prise illégale d’intérêt (un autre élu doit se charger du dossier). Sans attendre un quelconque recours en justice la protection fonctionnelle peut se traduire par la réorganisation des services et des postes de travail.